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2 fois plus de cas actifs de COVID chez le personnel des foyers que les résidents

Posted: February 26, 2021

(February 25, 2021)

By: Maud Cucchi, ICI Radio-Canada.ca

Une préposée aux bénéficiaires aidant une aînée à marcher.

Dans les foyers de soins de longue durée, en Ontario, le personnel est deux fois plus contaminé à la COVID-19 que les résidents, selon les dernières données disponibles.

PHOTO : GETTY IMAGES / JOE RAEDLE

Si le nombre de résidents atteints de la COVID-19 continue de décroître dans les foyers de soins de longue durée, les préposés aux bénéficiaires travaillant à leurs côtés se retrouvent deux fois plus contaminés qu’eux, selon les derniers bilans de la santé publique. Une situation qui vient assombrir des données pourtant encourageantes.

Depuis le 2 février, la tendance des contaminations s’est inversée au point où les employés atteints de la COVID-19 sont devenus deux fois plus nombreux que les résidents à être contaminés. En date du 23 février, 218 membres du personnel étaient des cas actifs de la COVID-19, contre 109 résidents à l’échelle de la province.

On a priorisé les résidents pour la vaccination contre la COVID-19 et ça prouve que ça fonctionne, fait valoir Krystle Caputo, attachée de presse au ministère ontarien des Soins de longue durée.

C’est également l’analyse de l’épidémiologiste David Fisman, de l’Université de Toronto, qui ne manque pas de souligner les effets collatéraux de cette priorisation. De nombreux préposés aux bénéficiaires ont choisi de démissionner en constatant qu’ils ne pourraient être vaccinés rapidement.

Confrontée à des retards d’approvisionnements des vaccins, l’Ontario a en effet dû revoir ses groupes prioritaires en faisant passer les préposés aux bénéficiaires au second plan.

Pas de soins sans soignants

Le taux de contamination plus élevé des préposés s’expliquerait aussi par un dépistage accru chez ces travailleurs essentiels, jusqu’à deux fois par semaine à certains endroits, explique Mme Caputo, après avoir rappelé cette évidence : les employés circulent au sein de la communauté, ce qui les expose au virus à la différence des résidents qui restent confinés dans leur logement.

Or, c’est là que le bât blesse selon certains représentants d’organismes communautaires en santé. Ils craignent une aggravation de la situation dans ces foyers hautement vulnérables et déjà fortement éprouvés par la pandémie, si le personnel y travaillant demeure contaminable.

Selon les chiffres transmis par le ministère des Soins de longue durée, 30 % des résidents n’ont toujours pas reçu la 2e dose du vaccin qui leur fournirait une immunité accrue contre la COVID-19. À cela s’ajoute le manque de préposés aux bénéficiaires, pénurie d’autant plus problématique à la veille d’une troisième vague que des experts prédisent plus virulente à cause des nouveaux variants.

Natalie Mehra en entrevue dans un bureau devant une pile de papiers.

Natalie Mehra est la directrice générale de la Coalition ontarienne de la santé, un organisme sans but lucratif qui représente professionnels de la santé et patients.

PHOTO :  CBC

Le taux de personnel a chuté à un niveau qu’on n’a jamais vu auparavant, s’inquiète Natalie Mehra de la Coalition ontarienne de la santé.

Il n’y a pas de soins dans les foyers de soins longue durée sans les soignants.

Natalie Mehra, directrice générale de la Coalition ontarienne de la santé

La situation reste critique à un moment charnière de la pandémie, juge-t-elle. Les préposés sont surchargés, traumatisés dans les lieux d’éclosion, ils ont été psychologiquement impactés par ce qu’ils ont vu et ce qu’ils ont traversé. Ils font des burn-out, poursuit-elle. Il y en a beaucoup qui pensaient passer au travers de la pandémie mais qui abandonnent avant ou partent à la retraite.

Capture d'écran d'une entrevue avec France Gélinas.

France Gélinas est la députée de Nickel Belt. Depuis 2018, elle est la porte-parole de l’opposition néodémocrate en matière de soins de santé.

PHOTO : RADIO-CANADA

France Gélinas, députée de Nickel Belt et porte-parole du NPD en matière de santé, témoigne des plaintes reçues sans arrêt à son bureau. La grande majorité des foyers de soin n’ont pas assez de personnel, celles qui y travaillent ont des charges impossibles pour une personne humaine, elles ne peuvent pas s’occuper de 25 personnes en même temps, renchérit-elle.

Le problème de fond, c’est la précarité de ces emplois mal payés, sans congé maladie, qui s’accompagnent de conditions de vie où les chances d’être exposé au virus sont très hautes, analyse Mme Gélinas.

La porte-parole de l’opposition en santé cite en exemple le Québec qui est parvenu à attirer 7000 nouvelles recrues pour ne pas répéter l’hécatombe dans les CHSLD du printemps dernier. Mais alors que le Québec a lancé son initiative à la fin de mai 2020, l’Ontario a annoncé hier qu’il formera gratuitement 6000 préposés en six mois.

Ce ne sont pas les membres de la famille qui amènent le virus dans les maisons de soins longue durée, ce sont les travailleurs, les travailleuses. Tant et aussi longtemps qu’on continuera d’avoir du personnel infecté, le risque dans nos maisons de longue durée va continuer d’être très haut.

France Gélinas, députée néo-démocrate de Nickel Belt

Aux yeux de Natalie Mehra de la Coalition ontarienne de la santé, ce gouvernement a laissé les gens mourir dans ces foyers, et c’est encore le cas maintenant.

Le réseau qu’elle représente rassemble plus de 400 organismes communautaires de santé. Il avait fait appel au gouvernement provincial pour déclencher une intervention militaire dans tous les foyers des soins de longue durée en Ontario.

La situation ne s’y est guère améliorée, note Natalie Mehra. Cette promesse qu’ils allaient faire des foyers de soins longue durée leur priorité, y stabiliser le personnel et fournir assez de soins […] qu’ils allaient améliorer le contrôle du virus, chacune de ces annonces ont été des promesses déçues. C’est rageant pour nous.

Il ne faudrait pas se laisser duper par la baisse des éclosions dans les foyers de soins de longue durée, croit-elle. On est très à risque de transitionner vers une nouvelle pandémie, plus infectieuse, espérons juste que la province se dépêche d’agir rapidement pour administrer les deuxièmes doses à tous les résidents. Mais ils ont aussi besoin fois plus de cas actide vacciner le personnel.

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